Il est temps, soixante ans
après l'apparition des Équipes Notre-Dame, quarante ans
après Vatican II, vingt ans après Familiaris Consortio,
de faire le point sur la place du sacrement de mariage dans
l'Église. Historiquement, le moment est crucial: la crise du
couple, la séparation de l'amour et des relations sexuelles,
la diminution des vocations sacerdotales sont un appel au
renforcement du rôle des laïcs mariés. D'ailleurs,
comme le prouve l'ouvrage récent d'Agnès Walch, la
spiritualité conjugale n'a rien d'une nouveauté. C'est
désormais en France une tradition que de considérer le
mariage comme un lieu privilégié de sanctification. La
décision récente de Rome de canoniser un couple
marié est là pour le prouver.
Est-ce à dire pour autant, dans
le grand tournant actuel, qu'il y ait place pour un ministère
particulier, en Église, des gens mariés ? La
réponse est affirmative. En notre temps d'individualisme
souverain, la coujugalité reste le grand moyen de créer
des liens sociaux par le défi triomphant de l'amour jusqu'au
bout. Le sacrement de mariage fait des époux des
envoyés dans le monde, des missionnaires de l'acceptation de
l'autre dans son étrangeté. Ils sont alors peuple de
Dieu, corps du Christ, temple de l'Esprit Saint. Jean-Paul II
n'hésite pas, même en mettant des guillemets, à
parler de "ministère". Son contenu est multiple: mission
éducative des enfants, engagement d'Église,
préparation au mariage, accompagnement de toute sorte, etc.
Mais ceci pose une série de
problèmes. Il importe de distinguer la pratique de ce
ministère à l'intérieur du couple, I'un à
l'égard de l'autre, de l'engagement d'un seul et de celui des
deux ensemble. Il n'est pas possible de tout faire ensemble. Le
dynamisme dans l'action viendra du respect pour l'autre. Il est
surtout nécessaire de faire découvrir au couple sa
propre vocation. Cela implique d'exercer une double vigilance
à l'égard de l'excès dans le dévouement
aux dépens de la vie du couple, ou, à l'inverse, des
demandes excessives du clergé. Ceci enclenche alors la
nécessaire réadaptation des rapports entre clercs et
laïcs. Ici, les équipes pastorales sont obligées
de passer de rapports hiérarchiques à des actions
concertées. Telle est l'ampleur des réadaptations
nécessaires pour aboutir à une symphonie des vocations.
Pour ne pas rester dans le flou,
Alliance propose ici une quinzaine de témoignages de
prêtres et de couples mariés. On y remarquera ceux de
couples congolais qui sont dans des situations encore plus difficiles
que celle de l'Europe. Dans ce foisonnement d'initiatives, il est
maintenant évident que le couple missionnaire, marqué
du sacrement de mariage, est acteur de l'avenir de l'Église.
Michel Rouche

